PEI : Partenariat européen pour l’innovation
La filière moutarde via l’APGMB a fait appel au PEI, afin de mettre en place un programme de recherche innovant. Ce programme est indispensable à la pérennisation de la production de graines de moutarde en Bourgogne et par voie de conséquence à l’approvisionnement de qualité et local des Industriels.
Le PEI est un des instruments de l’Union Européenne mobilisés pour réaliser la stratégie « Europe 2020 » pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Il vise à rapprocher les acteurs de terrain et de la recherche, pour repérer ou créer des innovations et des connaissances.
Consulter le site www.reseaurural.fr/le-partenariat-europeen-pour-linnovation-agri pour plus d’informations.
Il peut être mis en œuvre par l’intermédiaire de Groupes Opérationnels (GO) réunissant une pluralité d’acteurs (agriculteurs, chercheurs, conseillers, ONG, PME, …) pour réaliser un projet innovant et en diffuser les résultats, dans le cadre d’appels à projets régionaux relevant du FEADER.
Ces initiatives doivent permettre d’améliorer les échanges de connaissances réciproques et notamment d’assurer un retour d’information systématique des acteurs de terrain à destination du monde scientifique (pratiques mises en œuvre, besoins de recherche…), de convertir les résultats de la recherche en innovation, de mettre l’innovation plus rapidement en pratique…
Groupe opérationnel MOUTARDE DE BOURGOGNE
Chef de file :
Association des Producteurs de Graines de Moutarde en Bourgogne (APGMB)
Composée de 300 producteurs et 5 organismes stockeurs (Dijon Céréales, SAS Bresson, Bourgogne du Sud, 110 Bourgogne, Soufflet Agriculture)
Les partenaires de l’APGMB sont :
- AgroSup Dijon ;
- Centre INRA Angers Nantes, unité BIA, plate-forme BIBS ;
- Chambre d’Agriculture de Côte d’Or ;
- Association Moutarde de Bourgogne (AMB).
L’AMB est composée d’industriels (Unilever Amora Maille, Reine
de Dijon, Moutarderie Fallot, Européennes de Condiments, Charbonneaux-Brabant) et de l’APGMB.
Le GO « Moutarde de Bourgogne » cherche à répondre aux besoins identifiés pour la filière et ainsi proposer :
- aux industriels un approvisionnement local de qualité et durable, répondant à leurs attentes
- aux agriculteurs une culture de diversification, économiquement et techniquement viable.
Contexte
A l’origine de la relance de la culture, le programme de sélection génétique était basé sur :
- rendement agricole ;
- aptitude technologique et organoleptique de la transformation en pâte.
Mais, des difficultés sont apparues lors de la transformation des graines des variétés sélectionnées en pâte de moutarde, au niveau de la stabilité, la viscosité et la couleur du produit fini, critères non pris en compte. Le risque, est de voir les industriels se tourner vers d’autres origines d’approvisionnements.
Les besoins
- Répondre à la demande des Industriels pour un approvisionnement local et de qualité.
- Rapprochement avec l’unité BIA (INRA Angers Nantes) (expert en analyse des biopolymères) pour comprendre les effets de l’origine génétique des graines et de la variation inter annuelle sur leur composition protéique et polysaccharidique.
- Prédire rapidement le potentiel de transformation des graines en pâte de moutarde pour constituer des lots de commercialisation.
Objectifs
- Caractérisation génétique et biochimique de lignées : Identification des déterminants agronomique et technologique la qualité des graines (1)
- Caractérisation technologique des graines : Connaissances sur les mécanismes moléculaires de l’élaboration de la qualité du produit fini ( 2)
- Comprendre les liens entre les paramètres biochimiques des graines et les localisations de production et du suivi technique (3)
- Réalisation d’un outil de sélection des lignées et graines (4)
PEI = Levier essentiel pour pérenniser notre filière
Organisation
Programme encadré scientifiquement par un conseil scientifique, dans lequel on retrouve
des représentants :
- Industriels ;
- AgroSup Dijon ;
- Unité BIA (INRA Angers Nantes)
- Chambre d’Agriculture de Côte d’Or ;
- Producteurs.
Ce conseil permet l’expression des besoins, un échange sur les résultats. Ces résultats sont ensuite utilisés en application dans le conseil à la profession.
Les partenaires financiers sont :
- Le FEADER
- Le Conseil Régional Bourgogne-Franche-Comté
- Les producteurs
- Les industriels
Utilisation et diffusion des résultats
- Description de la variabilité biochimique et de la valeur technologique des lignées feront l’objet de communications et/ou publications scientifiques (public international).
- Valorisation sous forme de conseil à la profession (itinéraires techniques pour les agriculteurs, méthode de dosage en industrie condimentaire).
- Inscription au Catalogue Officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France des nouvelles variétés.
- L’avancée des travaux et des résultats seront également réalisées de façon annuelle ou bis-annuelle sur le site web de l’APGMB.
État d’avancée du projet
- 2016-2017 : Production et sélection de lignées à tester
Production de 50 lignées sélectionnées, sur 3 sites différents. - 2017-2018 : Etude de la variabilité génétique et phénotypique des 50 lignées
Sélection de 22 lignées contrastées représentant le maximum de variabilité.
Production des 22 lignées sur 3 sites différents. - Début 2018 : Mise au point des méthodes d’extraction des sucres et protéines
- 2021-2022 : Principaux résultats
Qualité des graines de moutarde : analyse des déterminants biochimiques et technologiques
Vingt lignées de moutarde, représentatives de la diversité de nos ressources génétiques, ont été sélectionnées sur la base de marqueurs génétiques (microsatellites) et de critères phénotypiques (caractéristiques biochimiques de la graine). La qualité des graines (composition en sucres, protéines, lipides et propriétés rhéologiques) a été comparée entre ces 20 lignées. Les lignées ont été cultivées sur trois sites bourguignons afin également d’étudier l’effet des conditions du milieu sur les déterminants de la qualité de la graine. Les mesures ont été réalisées sur les récoltes 2017 et 2018.
Tout d’abord, on observe une variation importante des taux des constituants majoritaires de la graine si l’on compare les différentes variétés. Par exemple, la teneur en lipides totaux varie de manière significative selon les lignées avec des variations de 4,8% à 16,5% selon les conditions. Nous avons pu également vérifier la présence de corrélation inverse entre certains caractères mesurés comme par exemple entre le taux de protéines et le taux de lipides.
Enfin les analyses ont pu mettre en évidence que les taux de protéines et de lipides varient significativement selon l’année de récolte alors que le taux de polysaccharides reste constant. A l’inverse, les taux de protéines et de lipides restent assez constants entre les sites de culture alors que le taux de polysaccharides est significativement influencé par le site.
Les données et résultats de l’étude seront prochainement soumis pour publication dans des revues internationales :
Article 1 : “Data on agronomic traits, biochemical composition of lipids, proteins and polysaccharides and rheological measurement in a brown mustard seed collection”
Article 2 : “Effect of cultivars, environment and year on agronomic traits, biochemical composition of major constituents (lipids, proteins and polysaccharides) and rheological properties of seed brown mustard”
Développement d’un microprocess de caractérisation précoce de la qualité de la pâte de moutarde
Un objectif majeur du projet était la mise au point d’un outil permettant de prédire rapidement le potentiel de transformation des graines en pâte de moutarde en vue d’une meilleure sélection.
Pour mettre au point ce test, nos travaux ont nécessité l’optimisation d’une part d’un protocole de fabrication de pâtes de moutarde dit « microprocess » à AgroSup Dijon et d’autre part l’analyse des consistances par la rhéologie (paramètres G’ et K) des pâtes de moutarde obtenues (8 variétés, récolte 2018). Ces résultats ont ensuite été comparés avec les analyses des propriétés rhéologiques des pâtes réalisées grâce au microprocess «Unilever ».
Les données obtenues ont également été comparées avec les mesures réalisées en routine du consistomètre Bostwick. De bonnes correspondances (classement des lignées selon la consistance de la pâte) sont observées en fonction des méthodes de préparation de la pâte (Figure ci-dessous, Gerometta et Champion, données non publiée).
L’analyse de la consistance pourrait donc être réalisé en précriblage par consistomètre Bostwick. Le microprocess AgroSup Dijon serait ensuite utilisé pour préparer des pâtes de moutarde pour le criblage des variétés (débit plus important que le microprocess Unilever).
Optimisation d’un protocole d’analyse de la consistance de graines broyées par le consistomètre de Bostwick
Nous avons utilisé le consistomètre de Bostwick, couramment utilisé dans l’industrie alimentaire, pour évaluer la consistance des graines broyées. Le protocole a été optimisé pour le temps de broyage, le temps de trempage, la composition de la solution de trempage et la durée d’écoulement pour la mesure.
La figure ci-dessous illustre les différentes étapes du protocole de mesure. Cette méthode est simple et rapide et peut être utilisée dans l’analyse des graines lors du programme de sélection ou dans les industries de fabrication de moutarde
Fabrication du mélange graines broyées/verjus et mesure au consistomètre de Bostwick (photographie L’Institut Agro Dijon)
Nous proposons donc d’utiliser le consistomètre Bostwick pour tester un grand nombre de lignées en fin de sélection. La méthode ne reflète pas tout à fait ce qu’il peut se passer en fabrication de moutarde tamisée mais permettrait d’éliminer les variétés les moins aptes. Cette méthode n’est pas destructrice des graines et permet ainsi de les multiplier après analyse.
L’étalonnage du NIR pourrait être mis à jour avec la « nouvelle » méthode du consistomètre pour faire aussi un criblage en amont sur les 2000 variétés ou lot de graines à analyser tous les ans.
Mise au point d’un procédé de fabrication au laboratoire FabLab
L’évaluation des variétés des plantes de moutarde en cours de sélection pour la qualité technologique des graines est aujourd’hui réalisée chez les industriels par un procédé pilote automatisé mais nécessitant environ 30 kg de graines. Un très petit nombre de variété (une dizaine de variétés par an) est donc évalué pour sélectionner celles qui seront les plus aptes à la transformation. Un des objectifs du projet était de mettre au point un test pour prédire le comportement de la graine dans le process industriel. Ce test devra être «rapide» et ne pas nécessiter de matériel de laboratoire performant afin que les laboratoires qualités des usines soient à même de réaliser ces tests.
Il a été nécessaire de développer et valider la méthode d’analyse sur des lots de graine connus, qui sont utilisés en process industriel pour travailler en phase avec la réalité industrielle. Pour cela, les unités de sélection génétique et d’agroalimentaire de L’Institut Agro Dijon ont travaillé conjointement, en collaboration avec les industriels de l’AMB.
Diagramme de fabrication miniaturisée de pâte de moutarde. 2020. L’Institut Agro Dijon – AMB.
Le procédé FabLab qui n’utilise que 300 g de graines de moutarde et qui permet la réalisation de 5 à 7 essais par jour pourrait être une étape préliminaire de sélection dans la création variétale avant d’engager des essais pilote en entreprise.